TECHNIQUEMENT : comment ça marche ?

 
 
 

Comment fonctionne Echelon?
 

    La particularité d'Echelon est que son réseau de satellites, ses bases terrestres, ses ordinateurs extrêmement puissants ne sont pas conçus pour agir sur certains réseaux de transmission prédéterminés, mais pour intercepter sans discrimination des quantités inimaginables de communications, quels que soient les moyens de transmission employés. La première composante de ce système consiste en cinq grandes bases Ukusa, à partir desquelles sont interceptées les communications qui passent par les vingt-cinq satellites géostationnaires Intelstat utilisés par les compagnies téléphoniques du monde entier pour les communications internationales.

    Chaque pays du pacte (excepté le Canada) est chargé de couvrir une zone déterminée de la planète. La base qui contrôle la totalité du trafic européen est située en Angleterre, à Morwenstow, à une centaine de kilomètres d'Exeter (Cornouailles). Le trafic dirigé du nord au sud du continent américain est surveillé à partir de Sugar Grove, à 250 km au sud-ouest de Washington, dans les montagnes de Virginie, tandis que les communications sur le Pacifique sont réparties entre l'autre base du territoire américain à l'intérieur du polygone de l'armée situé à Yakima, à 250 km au sud-ouest de Seattle, la base néo-zélandaise de Waihopai et celle de Geraldton, en Australie, qui couvre également l'océan Indien.

    La deuxième composante du réseau Ukusa est la constellation de satellites-espions que la NSA a mis en orbite à partir de 1970 sous le nom de code Vortex. "La dernière génération de satellites-espions est constituée par trois nouveaux birds géosynchronisés, mis en orbite au cours des quatre dernières années, qui couvrent à eux seuls pratiquement la totalité du globe", indique le plus grand expert sur la question, Jeff Richelson. "Celui qui couvre l'Europe stationne en orbite à 36 000 km d'altitude au-dessus de la Corne de l'Afrique. Il est contrôlé par la base terrestre britannique de Menwith Hill, dans le nord du Yorkshire, qui, avec ses vingt-deux terminaux de satellites, est de très loin le plus puissant du réseau Ukusa." Le troisième et dernier élément du système est constitué par un maillage d'ordinateurs à très forte puissance en réseau, baptisés "dictionnaires", capables d'absorber, d'examiner et de filtrer en temps réel d'énormes quantités de messages numériques et analogiques, d'extrapoler les données de ceux qui contiennent chacun des mots clés programmés, de les décoder et de les envoyer automatiquement au QG des renseignements des cinq pays intéressés. Quelque uns de ces mots clés sont : Arme, Attaque, Allah, Nucléaire, Bactériologique,
Chimique, Terrorisme, Jihad, Hezbollah, Delta Force.

   "Tous les trois ou quatre jours, les responsables de ces 'dictionnaires' dans ces cinq pays changent la liste des mots clés, en insèrent de nouveaux, en retirent d'autres en fonction des thèmes politiques, diplomatiques et économiques qui intéressent à un moment donné les Etats-Unis et leurs alliés, explique Hager. Une fois les nouveaux mots insérés dans le système, quelques minutes suffisent pour que les 'dictionnaires' fassent apparaître les messages qui les contiennent." Cela signifie qu'au lendemain de la tragédie de Cavalese [le 3 février 1998, dans les Dolomites, un avion militaire américain coupe le câble d'un funiculaire, causant la mort de vingt personnes ; L'affaire provoquera une polémique sur les bases américaines en Italie], ayant eu connaissance des fortes réactions italiennes et craignant une escalade de la crise, la NSA a très probablement inséré dans le système les mots "Cavalese" et "Cermis" [lieu de l'accident]. "L'Italie et les autres pays européens sont la cible constante d'Echelon, et une demande américaine d'insérer de nouveaux mots clés concernant des questions italiennes aura été accueillie par les techniciens britanniques à Morwenstow sans surprise, comme une opération de routine", précise Hager.

    A partir de ce moment, chaque appel téléphonique, chaque fax, chaque e-mail provenant d'un ministère, d'un service du gouvernement ou lui étant adressé, et probablement aussi ceux qui émanent des résidences et quartiers généraux des leaders politiques et militaires italiens et contenant les mots Cavalese et Cermis peuvent être devenus la cible du système Echelon.
 
 

        Le Statmux intervient

    A l'aide de Nicky Hager, Il Mondo est en mesure d'expliquer comment ce scénario a pu évoluer. Les antennes de Morwenstow ont comme toujours collecté les signaux des satellites Intelstat (qui ne sont pas cryptés) et les ont renvoyés vers la "salle d'opération", où ils sont passés d'abord par un puissant amplificateur, puis par une batterie de radiorécepteurs synchronisés sur les différentes fréquences de micro-ondes sur lesquelles transmettent les Intelstat. Chaque fréquence a un certain nombre de bandes de signaux qui contiennent chacune des centaines de messages téléphoniques, fax, télex et e-mails électroniquement compatibles entre eux (c'est le "multiplexing").

    Grâce à un système technique américain appelé Statmux, cet amas de messages est trié, chacun des messages individuels isolé et les bandes de fréquences les plus intéressantes - celles qu'Echelon a identifiées comme étant utilisées pour les communications importantes - sont envoyées au "dictionnaire", le superordinateur qui est l'âme du système. A ce stade, l'ordinateur convertit d'abord les divers types de messages (téléphone, fax et e-mail) en langage numérique standard, puis il active la recherche des mots clés : Cavalese, Cennis et les centaines d'autres insérés par les dictionary managers des cinq pays. Tous les messages contenant les mots Cavalese et Cermis sont alors passés automatiquement dans un autre ordinateur qui les code et les expédie via satellite au QG de la NSA, à Fort Meade (Maryland), où ils sont analysés par des techniciens américains.

    Les produits terminaux du système Echelon se divisent en trois catégories : les rapports, les gists et les sommaires. Les rapports sont des traductions littérales des messages interceptés ; les gists résument de façon télégraphique les données essentielles ; et les sommaires sont des compilations qui contiennent des informations provenant de divers rapports. Les gists sont conservés dans les banques de données de chaque service de Signal Intelligence des cinq pays membres d'Ukusa. "Chaque service a la possibilité et le droit de demander aux autres de fournir les sommaires qu'ils ont produits sur tel ou tel sujet, à condition de spécifier à qui l'information est destinée" explique Hager. Etant donné la fréquence de ces échanges, les Etats membres du réseau Ukusa ont créé un système de distribution électronique codé qui transmet constamment les rapports d'un pays à l'autre. Dans le cas d'informations particulièrement confidentielles, il est possible de recourir à un réseau de messagers appartenant à la direction du Defense Courrier Service, dont le siège se trouve au quartier général de la NSA à Fort Meade.
 
 

   Echelon, raconté par des sources Néo-Zélandaises

A la fin des années 80 (1989), les américains prennent une décision qu’ils regrettent probablement. Elle vise à inciter la nouvelle Zélande à adhérer à un nouveau et très secret système de renseignement Mondial. L’enquête de Hager à l’intérieur du système et la découverte du dictionnaire de l’ Echelon l’ont même amené à révéler l’un des plus grands projets de renseignements
 
 

extrait du livre LE POUVOIR SECRET de Nicky Hager


    Pendant 40 années, la plus grande agence de renseignements de Nouvelle Zélande, le Bureau de la Sécurité des Communications du Gouvernement (GCSB) l'équivalent de l'Agence de la Sécurité Nationale Américaine (NSA), avait aidé ses alliés de l'Ouest à espionner des pays de la région du Pacifique, sans que la population de la Nouvelle Zélande ou même beaucoup de ses plus hauts fonctionnaires élus ne soient au courant. Ce que la NSA ne savait pas c’est qu’à la fin des années 80, plusieurs membres du personnel des renseignements avaient décidé que ces activités avaient été trop secrètes pendant trop longtemps, et me fournissait des interviews et des documents qui exposaient les activités de renseignements de la Nouvelle Zélande. Finalement, plus de 50 personnes qui travaillent ou ont travaillé dans les renseignements et dans des domaines apparentés ont consenti à être interviewées.

    Les activités qu'ils ont décrites, provenant du Pacifique sud, permettent de se documenter, sur quelques systèmes d’alliances larges et projets qui ont été gardés secrets ailleurs. Le système ECHELON est de loin le plus important d’entre eux.

    Ce n’est bien sûr pas une nouveauté que les organisations de renseignements mettent sur écoute des e-mail et autres réseaux de télécommunications publics. Ce qui était nouveau en matière de fuite par le personnel des renseignements de la Nouvelle Zélande était la précision de l'information sur où l'espionnage est fait, comment le système travaille, ses capacités et ses défauts, et beaucoup de détails tels que les noms de code.

    Sous ECHELON, un ordinateur Dictionnaire d'une station particulière contient non seulement les mots-clés choisis par son agence mère, mais aussi des listes entrées par les autres agences. Dans la station d'interception satellite de Nouvelle Zélande à Waihopai (dans l'Île du sud), par exemple, l'ordinateur a des listes de recherche distinctes pour la NSA, GCHQ, DSD, et CSE en plus de la sienne. Quand le Dictionnaire rencontre un message contenant un des mots-clés des agences, il le sélectionne automatiquement et l'envoie directement aux quartiers généraux de l'agence intéressée. Personne en Nouvelle Zélande ne filtre, ou même voit, les renseignements collectés par la station de Nouvelle Zélande pour les agences étrangères. Par conséquent, les stations des plus jeunes alliés des anglo-américains fonctionnent pour la NSA comme si ces stations étaient sur le sol américain.

    Le premier composant du réseau ECHELON est les stations qui ont pour cible les satellites de télécommunications internationaux (Intelsats) utilisés par les compagnies de téléphone de la plupart des pays. Une ceinture d'Intelsats est placée autour du monde, stationnaires au-dessus de l'équateur, chacun desservant une station relais pour des dizaines de milliers de coups de téléphone simultanés, fax, et e-mail. Cinq stations anglo-américaines ont été établies pour intercepter les communications transmises par les Intelsats.
 

    Le travail d’interception des communications Intelsat du Pacifique qui ne peuvent être interceptées à Yakima revient à la Nouvelle Zélande et à l’Australie. Leur emplacement dans le Pacifique sud aide à assurer l'interception mondiale. La Nouvelle Zélande fournit la station à Waihopai et l'Australie fournit la station de Geraldton située dans l’ouest de l’Australie (laquelle cible les Intelsats des océans Pacifique et indien).

    Chacun des ordinateurs Dictionnaire des cinq stations a un nom de code pour le distinguer des autres dans le réseau. La station Yakima, par exemple, localisée dans une région désertique entre les Saddle Mountains et Rattlesnake Hills, a le Dictionnaire COWBOY, pendant que la station Waihopai a le Dictionnaire FLINTLOCK. Ces noms de code sont enregistrés au début de chaque message intercepté, avant qu'il soit transmis au réseau ECHELON et permet aux analystes de reconnaître à quelle station a eu lieu l'interception.

    Le personnel des renseignements de Nouvelle Zélande est impliqué de près avec la station Yakima de la NSA depuis 1981, quand la NSA a poussé le GCSB à contribuer à un projet visant les communications de l'ambassade japonaise. Depuis lors, l’ensemble des cinq agences anglo-américaines est responsable de l’écoute des câbles diplomatiques de tous les postes japonais dans les mêmes parties du globe auxquelles elles sont assignées pour l’écoute anglo-américaine. Jusqu'à l’intégration de la Nouvelle Zélande dans le système ECHELON avec l'ouverture de la station Waihopai en 1989, sa part de communications japonaises était interceptée à Yakima et envoyée non traitée aux quartiers généraux GCSB à Wellington pour décryptage, traduction, et transcription dans le format des rapports de renseignements (la NSA fournit le programme de décodage).
 

    Un groupe d'installations basé à terre et qui se met directement à l’écoute des systèmes de télécommunications est le dernier élément du système ECHELON. En plus des satellites et des communications radio, l'autre moyen important pour transmettre de grandes quantités de communications pour les particuliers, pour le business, et les gouvernements, est une combinaison de câbles déposés au fond des océans et des réseaux de micro-ondes sur terre. Les câbles lourds, déposés au fond des mers entre les pays, représentent un grand nombre de communications internationales à travers le monde. Lorsqu'ils sortent de l'eau pour rejoindre les réseaux de micro-ondes basés à terre, les câbles sont très vulnérables aux interceptions. Les réseaux de micro-ondes sont composés d’antennes situées au sommet de collines qui relaient des messages (toujours dans ligne de vue) à travers la campagne. Ces réseaux transfèrent de grandes quantités de communications à travers un pays. L'interception de ces réseaux donne accès aux communications sous-marines internationales (une fois que les câbles refont surface) et aux communications interurbaines internationales à travers les continents. Ils sont aussi une cible évidente pour l’interception à grande échelle de communications domestiques.

    Parce que les installations nécessitaient, pour intercepter les communications radio et satellite d’utiliser de grandes antennes et paraboles qui sont difficiles à cacher longtemps, ce réseau est assez bien documenté. Mais tout ce qui est nécessaire pour intercepter des réseaux de communication basés à terre est un bâtiment situé le long du chemin des micro-ondes ou un câble souterrain caché allant du réseau légitime à un quelconque bâtiment anonyme, peut-être prélevé loin. Bien que cela semble techniquement très difficile, l'interception des micro-ondes de l'espace par les satellites espions des Etats-Unis a aussi lieu. Le réseau mondial d'installations pour intercepter ces communications est en grande partie non documenté, et parce que le GCSB de la Nouvelle Zélande ne participe pas à ce type d'interception, mes sources à l'intérieur du GCSB ne pouvaient pas non plus m’aider.
 
 





Les moyens d’écoute utilisés par Echelon sont les suivants :
 

       La reconnaissance vocale :

    Les logiciels de reconnaissance vocale ne fonctionnent bien qu'avec des personnes les ayant entraînés au préalable à la reconnaissance de leur propre voix. Mais, dans la tour de Babel des télécommunications internationales, ils se retrouvent face à des interlocuteurs inconnus, dans une multitude de langues différentes. Ainsi, les systèmes testés sur des conversations fournies par le ministère américain de la défense pour détecter 22 mots-clés ont atteint des taux de reconnaissance de 45 à 68 %. Si 1 000 mots-clés sont cités en une heure, le système en ratera au moins 300 et déclenchera 220 fausses alertes. Le centre de recherche en informatique de Montréal (CRIM) s'est orienté vers la détection de thèmes, au lieu de mots. Selon Duncan Campbell, ces recherches n'ont toujours pas abouti.
 
 

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